Analyse

Sécurité de la messagerie : pourquoi les PME doivent se protéger

La sécurité de la messagerie est un enjeu critique pour les PME. Découvrez les menaces majeures (phishing, ransomwares, BEC) et les solutions pour protéger vos emails professionnels efficacement.

La plupart des PME vivent dans leur messagerie : devis, contrats, notifications bancaires, échanges avec les clients… Pourtant, une grande partie d’entre elles continue de considérer l’email comme un simple canal de communication, alors qu’il est devenu un véritable point de rupture potentiel pour l’entreprise.

L’attaque ne commence plus au cœur du système d’information, mais dans la boîte de réception.

Un message piégé suffit : une pièce jointe ouverte trop vite, un lien crédible cliqué sans réfléchir, une demande de virement qui semble pressante. Comprendre la sécurité de la messagerie, ce n’est donc plus un sujet “tech”, c’est une question de continuité d’activité.

La messagerie, maillon faible d’une chaîne de sécurité pourtant renforcée

Depuis quelques années, beaucoup de PME ont investi dans des firewalls nouvelle génération, des solutions de protection des postes de travail, des solutions de sauvegarde pour entreprisesmais la messagerie reste souvent le maillon le plus exposé.

Plusieurs facteurs expliquent ce décalage :

  • l’email est utilisé par tout le monde, tous les jours, pour tout type d’échange ;
  • la plupart des solutions cloud (Microsoft 365, Google Workspace, CRM, outils financiers) sont reliées directement aux boîtes de réception ;
  • les attaques reposent largement sur la confiance et la psychologie : urgence, pression hiérarchique, apparence légitime du message, faux logos, signatures copiées…

En résumé, l’attaquant ne force plus la porte du système ; il se contente d’emprunter la voix de quelqu’un que vos équipes pensent connaître.

La sécurité de la messagerie ne consiste donc pas seulement à “bloquer le spam”. Elle consiste à empêcher qu’un email soit utilisé comme point de départ d’une fraude, d’un chiffrement massif ou d’une fuite de données.

Les grandes familles d’attaques qui passent par la messagerie

Toutes les attaques par email ne se ressemblent pas. Certaines sont grossières et facilement repérables, d’autres sont minutieusement préparées. Pour une PME, le risque vient souvent de la combinaison des deux : un bruit de fond permanent de spam, au milieu duquel se glissent des attaques beaucoup plus fines.

Phishing et phishing ciblé : des emails qui imitent le quotidien

Le phishing “classique” reste la forme la plus visible. Il s’agit d’un email qui se présente sous l’identité d’une banque, d’une plateforme de livraison, d’un service connu, et invite l’utilisateur à “vérifier son compte” ou “régler une facture en attente”. L’objectif est de récupérer des identifiants ou de pousser au clic sur un lien piégé.

Une variante plus dangereuse est le phishing ciblé, nommé spear phishing. Avec cette méthode, l’attaquant se renseigne sur l’entreprise, reprend le prénom d’un dirigeant ou d’un responsable de service, fait référence à un client réel, et construit un message sur-mesure. La forme est soignée, le ton est crédible, et un collaborateur pressé peut très vite s’y laisser prendre.

Ransomwares et malware convoyés par email

Les ransomwares ne sont pas nés avec la messagerie, mais celle-ci reste l’un de leurs vecteurs privilégiés. Une facture jointe, un document “à compléter”, un fichier compressé mal identifié et l’entreprise se retrouve avec des fichiers chiffrés, parfois sur l’ensemble du réseau.

Ce qui rend ces attaques si pénalisantes pour les PME, ce n’est pas seulement la rançon potentielle, c’est l’arrêt d’activité qui l’accompagne. Il devient alors impossible d’accéder aux dossiers clients, aux plans de projet, aux historiques comptables. Sans sauvegardes solides et sans plan de reprise, la messagerie devient le point de départ d’une crise qui dépasse largement l’IT.

Compromission de messagerie professionnelle (BEC)

Dans une attaque de type Business Email Compromise (BEC), le pirate ne cherche pas à vous vendre un faux antivirus. Il s’empare, ou imite très bien, une adresse email interne (direction, finance, comptabilité, achats…) pour obtenir un virement, changer des coordonnées bancaires ou récupérer des informations sensibles.

Ces attaques se préparent souvent dans la durée : observation des échanges, compréhension des circuits de validation, repérage des habitudes de langage. Le message final est court, crédible, souvent urgent. Il cible précisément la personne qui a le pouvoir de valider un paiement ou d’ouvrir l’accès à des données.

Usurpation de domaine et de marque

Une autre technique consiste à jouer sur de légères variations du nom de domaine, difficilement perceptibles au premier coup d’oeil. Le remplacement d’une lettre, l’ajout d’un tiret, l’utilisation d’une extension différente. À l’œil nu, la différence est faible, surtout sur mobile. L’email semble provenir de l’adresse habituelle, alors qu’il s’agit d’un domaine contrôlé par l’attaquant.

Sans surveillance des domaines proches, sans politiques strictes d’authentification des emails (SPF, DKIM, DMARC) et sans sensibilisation minimale, ces attaques passent facilement sous le radar.

Exploitation des comptes légitimes

Enfin, beaucoup d’attaques ne viennent plus d’adresses “exotiques”, mais de comptes parfaitement légitimes, déjà compromis. Un collaborateur qui réutilise le même mot de passe sur plusieurs services, une fuite de données chez un fournisseur, ou encore un accès VPN exposé, et le pirate peut se connecter à la messagerie sans déclencher d’alertes visibles.

Depuis ce compte interne, il lui est ensuite plus simple :

  • d’envoyer des messages malveillants à d’autres collaborateurs ;
  • de répondre à une conversation existante ;
  • ou d’observer discrètement les échanges jusqu’au bon moment.

Dans ce cas, les filtres basiques ne suffisent plus. Le problème n’est pas seulement l’email reçu, mais l’identité de celui qui l’envoie.

Pourquoi les PME restent particulièrement exposées

Les menaces sont globales, mais leur impact est souvent plus brutal pour les PME que pour les grands groupes. Non pas parce que les pirates préfèrent les petites structures, mais parce qu’elles sont plus fragiles sur plusieurs plans.

Des moyens limités, des priorités multiples

Pour de nombreuses PME, la cybersécurité reste un sujet parmi d’autres : recrutement, inflation, pression commerciale, gestion du cash etc. La messagerie fonctionne, les incidents semblent rares, et l’absence d’attaque visible crée une illusion de sécurité.

Au final, les outils natifs de la messagerie cloud sont activés “par défaut”, sans forcément aller plus loin. Les mises à jour sont faites, mais il manque une vision d’ensemble de la sécurité, en particulier sur le périmètre email.

Des équipes peu formées aux nouveaux scénarios d’attaque

La plupart des collaborateurs savent vaguement “qu’il ne faut pas cliquer sur n’importe quoi”. Mais les campagnes modernes de phishing ou de BEC ne ressemblent plus aux spams truffés de fautes évidentes. Elles imitent le ton d’un manager, d’un client, d’un expert-comptable.

Sans formation concrète, sans exemples proches de leur quotidien, les équipes restent démunies. On demande aux utilisateurs d’être le dernier rempart, sans vraiment leur donner les moyens de reconnaître les signaux faibles.

Un environnement de travail éclaté

Télétravail, appareils personnels, accès depuis des réseaux publics, synchronisation des emails sur smartphones et tablettes. Dorénavant, la frontière entre usage pro et usage perso s’estompe. Les emails professionnels circulent dans des contextes variés, parfois peu contrôlés.

Dans ce pcontexte, la messagerie devient un pivot puisqu’elle relie les utilisateurs, les outils cloud et les partenaires externes. Toute attaque qui l’exploite bénéficie d’un accès particulièrement complet.

Les piliers d’une messagerie plus sûre pour une PME

La bonne nouvelle, c’est que sécuriser la messagerie ne passe pas uniquement par des investissements massifs. Il s’agit surtout d’assembler de manière cohérente plusieurs briques techniques et organisationnelles.

Un filtrage avancé des emails

La première couche est évidente mais souvent sous-estimée : un filtrage de messagerie avancé capable de détecter spam, phishing, pièces jointes malveillantes et comportements suspects.

L’objectif n’est pas seulement de vider la boîte de réception des publicités indésirables, mais de :

  • détecter les tentatives de phishing et d’usurpation ;
  • analyser les liens au moment du clic ;
  • isoler les pièces jointes risquées dans un environnement sécurisé (sandbox) ;
  • donner de la visibilité sur les flux entrants et sortants.

C’est le rôle d’une solution de protection avancée contre le spam et les menaces par email, pensée pour les usages réels d’une PME.

Une authentification renforcée des comptes

Ensuite vient l’identité, facteur crucial dans la prévention des attaques. Il devient nécessaire de répondre à la question suivante : Qui se connecte réellement à la messagerie de l’entreprise ?

La double authentification (MFA) est désormais un prérequis, en particulier pour les accès à distance et les comptes à privilèges. Associée à des mots de passe uniques et correctement gérés, elle complique beaucoup la tâche des attaquants qui exploitent des identifiants récupérés en ligne ou via d’autres fuites. Pour aller plus loin, des approches comme la MFA contextuelle ou l’authentification sans mot de passe peuvent être envisagées.

Des protocoles de confiance autour du domaine

Une messagerie d’entreprise ne se résume pas à des boîtes aux lettres. Elle repose sur des enregistrements DNS qui indiquent au reste du monde les serveurs autorisés à envoyer des emails en notre nom.

Les mécanismes SPF, DKIM et DMARC jouent ici un rôle central :

  • SPF : déclare les serveurs autorisés à envoyer des emails pour votre domaine ;
  • DKIM : signe les messages pour garantir qu’ils n’ont pas été modifiés ;
  • DMARC : définit ce que les autres doivent faire lorsqu’un message ne respecte pas ces règles (accepter, mettre en quarantaine, rejeter).

Bien configurés et surveillés, ces protocoles réduisent les risques d’usurpation de domaine et améliorent la délivrabilité de vos emails légitimes.

La protection des postes et des données

Une fois le message arrivé, la bataille n’est pas terminée. Si un email parvient à passer les défenses, ce sont les postes et les données qui deviennent la dernière ligne de défense.

Des processus métier qui intègrent la sécurité

Enfin, une messagerie sécurisée ne repose pas que sur la technique. Les processus de l’entreprise doivent intégrer quelques garde-fous simples :

  • double validation systématique pour les changements de RIB ou de coordonnées de paiement ;
  • contrôle par un autre canal (téléphone, visio, messagerie instantanée) en cas de demande urgente financière ;
  • consignes claires en cas de doute : à qui remonter un message suspect, comment le signaler, que faire si l’on a cliqué par erreur.

Ce sont ces gestes simples, répétés et partagés, qui limitent fortement l’impact des attaques les plus ciblées.

Construire une feuille de route réaliste pour une PME

La sécurité de la messagerie peut sembler intimidante lorsqu’on la regarde dans son ensemble. Le plus efficace est souvent de procéder par étape, avec une logique de priorité.

  1. Faire un état des lieux honnête
    Quels sont vos outils actuels ? Qui gère la messagerie ? MFA activée ou non ? SPF/DKIM/DMARC configurés ? Quelles sont les procédures de validation des paiements par email ?

  2. Sécuriser les bases rapidement
    Activer la double authentification, renforcer les mots de passe, supprimer les accès obsolètes, limiter les droits d’administration. Ce sont des mesures peu coûteuses, qui réduisent déjà une grande partie des risques.

  3. Mettre en place un filtrage dédié à la messagerie
    Aller au-delà des protections par défaut et déployer une solution de filtrage avancé comme un antispam professionnel permet de réduire drastiquement le volume de menaces qui arrivent jusqu’aux utilisateurs.

  4. Former les équipes sur des cas concrets
    Montrer de vrais exemples (phishing, BEC, usurpation de domaine), expliquer la marche à suivre en cas de doute, intégrer la sécurité dans les rituels internes : c’est une assurance beaucoup plus efficace que de simples affiches.

  5. Relier la messagerie au reste de votre stratégie cyber
    La messagerie n’est pas un îlot à part. Elle doit s’intégrer dans une vision globale : cybersécurité, protection des postes, sauvegarde, supervision, gestion des incidents. L’enjeu n’est pas d’atteindre le “risque zéro”, mais de construire une architecture capable d’encaisser un incident sans arrêter l’entreprise.


En 2025, sécuriser la messagerie n’est plus un “plus” réservé aux grands groupes. C’est un prérequis de survie pour les PME, au même titre que la trésorerie ou la relation client.

Les attaques continueront d’évoluer. Les outils, eux aussi, progresseront. La vraie différence se fera chez les entreprises qui auront compris que chaque email n’est pas seulement un message, mais un choix de risque. C’est à dire choisir de le laisser entrer sans le regarder, ou décider de le filtrer, l’analyser et l’encadrer dans une architecture pensée pour durer.